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Ode au MacDo

Je quitte la coulée verte, traverse la place Henri Frenais, entre dans le hall. 19h04, le panneau indique un train pour Montargis voie K à 19h07 (je devrais connaître les horaires par cœur mais ça ne m'intéresse pas assez). Je cours un peu, pas envie de le rater, envie de m'assoir et dormir.

Je monte l'escalier en clamant «pardon» pour qu'on se pousse (première alerte, des gens sont en train de le descendre), j'arrive sur le quai, saisis la situation d'un coup d'œil: voie L un train pour Laroche-Migennes, voie K un train pour Montargis (ils suivent la même ligne jusqu'à Fontainebleau), beaucoup de monde dans les voitures, sur les quais; il y a dû y avoir des trains de supprimés plus tôt.

Je remonte le long du train vers les dernières voitures, attendant la sonnerie fatidique pour me précipiter vers une porte — pas de sonnerie —, je monte dans une voiture, dérange des voyageurs debout sur la plateforme, fais se lever deux jeunes filles assises dans l'escalier. J'avais l'intention de m'assoir moi aussi sur une marche, mais je découvre qu'il reste trois ou quatre places à l'étage (les gens ne sont pas assez opiniâtres), m'installe.

Annonce vocale dans le train, problème de catenaire à Bussy-St-Antoine, plus rien ne circule.
SMS à H. pour le prévenir, je commence mentalement à choisir mon restaurant pour aller attendre tranquillement que les choses se tassent. (Je ne peux plus aller au cinéma comme je l'aurais fait auparavant à cause du dernier train à 22h46: c'est trop tôt, le temps de revenir d'une salle aux Halles (et pas à Bercy car la ligne 14 est fermée: tout est devenu infernal, mon monde rétrécit à coup de transports indisponibles)
Et là, inattendu, coup de fil de H. (d'habitude on règle ça par sms) avec une décision elle aussi inattendue:
— Je viens te chercher.
— ?? pas question. Tu ne vas pas faire 160 km aller-retour pour un problème de train. Je te l'interdis.
Mais qu'est-ce qu'il lui prend? Je ne comprends pas. Comme j'ai très peur qu'il ne m'écoute pas (en règle générale il ne m'écoute pas), je cherche une solution de compromis:
— RER A à Boissy, ça t'irait?
(soit une heure de voiture malgré tout).

RER A à 20h40, arrivée à 21h08, passage chez Joël (la case villecresnoise) vers 21h30. Hélas le rideau est baissé, il n'avait pas de client ce soir donc il a fermé. Il attend un dernier livreur Uber-eat. Il nous fait entrer, nous offre un verre, on discute. Il cherche à vendre, il a trouvé un boulot salarié, les charges ont trop augmenté: «je ne me paie plus, tout ce que je gagne sert à payer les salariés et les charges».
L'Ukraine après le Covid auront eu raison de lui.
On se quitte en lui faisant promettre de nous contacter s'il organise quelque chose avec ses clients fidèles avant la fermeture. Le fera-t-il?

Nous échouons à 22h30 au Mac Donald de Brie-Comte-Robert. Salle ouverte jusqu'à vingt-trois heures, Mc Drive jusqu'à une heure. Les employés sont si jeunes que j'ai l'impression d'un camp scout, en auto-gestion.
H: — N'empêche, Amazon, MacDo, on critique, mais ça marche.
Moi: — Ils m'ont sauvé la mise à Metz, y'avait plus qu'eux pour servir après dix heures.
H: — Le nombre de fois où on a atterri au McDo à Mulhouse parce qu'il n'y avait que ça d'ouvert…


Le lendemain, une collègue m'apprendra qu'elle était dans un train à 16 heures quand tout s'est arrêté. Le train était à Montgeron, il est reparti en arrière et est retourné gare de Lyon. Elle est arrivée chez elle à Montereau (une station après Moret) vers 22 heures.

Un arbre sur la voie

Partie tôt du boulot, vu Titane aux Halles (je ne sais qu'en dire. Ce n'est pas un film d'horreur. C'est un film corporel: du corps nu non enjolivé… et du bizarre violent), attrapé le train de 18h07.

Arrêt à Cesson sous une pluie battante. Il y a un arbre sur la voie à Bois-le-Roi, tous les trains s’arrêtent à Melun, bouchon devant nous, attente, puis nous sommes invités à descendre du train pour prendre celui sur le quai d’en face qui va nous emmener à Melun.

Photo de la Seine sous la pluie juste avant la gare de Melun. La photo indique 19h07. Nous avons déjà perdu une demi-heure.



Melun. Attente sur le quai. Pluie fine. Toutes les cinq minutes les hauts-parleurs nous invitent à nous écarter car «des trains à grande vitesse circulent sur les voies». Je finis par demander à @ligneR (compte Twitter) si c’est vraiment indispensable. Je me demande d’ailleurs à quoi servent ces comptes Twitter: à nous permettre de nous défouler? A canaliser l’agressivité en lui donnant un échappatoire? Il me semble vaguement que les messages s’espacent, mais c’est peut-être purement psychologique, comme ces faux thermostats dans les bureaux pour régler la température.
Toujours est-il que lorsqu’enfin un train grande ligne passe, ce n’est pas le message enregistré qui passe, mais bien quelqu’un de la gare qui parle: le problème des enregistrements, c’est que plus personne ne les croit.

L’enfer de Dante traduit par Antoine Bréa en «parlure vulgaire». H. ne peut pas venir me chercher car la voiture est dans le parking et sa carte navigo n’est toujours pas activée pour permettre d’en sortir.

Je rentre à la maison avec deux heures de retard. Relativisons, c’est la première fois que cela arrive en six mois. Crêperie.
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